Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851

Notices individuelles

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D'Ivory de Kermilien - Gédéon
Numéro d’ordre : 9116 - Numéro de dossier : 28

Informations personnelles

Lieu de naissance : Mauvilly Côte-d’Or
Âge : 41 ans
Statut conjugal : Marié
Domicile : Châtillon-sur-Seine, Côte-d’Or
Profession : Rentier
Type d’activité : Non précisé
Secteur : Indéterminé

Décisions des commissions mixtes départementales et des commissions militaires de Paris

Décision de la commission mixte Côte-d’Or : Algérie plus
Transporté en Algérie à Douéra, province : Alger

Observations en liste générale : Conduite privée déplorable. Ardent propagateur des idées socialistes. Chef du parti démagogique et homme d'action. Violent.
Motifs et observations dans l’État de la commission mixte : "Conduite privée déplorable. Complètement brouillé avec sa famille depuis ses écarts. Ardent propagateur des idées socialistes. Chef du parti démagogique et homme d'action. Violent. (Procès-verbal des décisions de la Commission mixte du département de la Côte-d'Or, A.N., BB/30/400)
Notice judiciaire n° 28. Appartenant à une famille de riche aristocratie, le sieur d'Ivory a quitté presque depuis l'enfance les voies régulières et honorables pour se jeter, après une série de luttes sans issue, dans les excès des idées libérales d'abord, puis de celui des principes du socialisme révolutionnaire le plus radical. L'histoire romanesque de sa vie privée et des écarts que devaient faire son intelligence peu commune et son caractère fortement trempé, aux prises avec les impossibilités qu'il s'était lui-même préparées peut seule expliquer sa position actuelle vis-à-vis de la société et sa participation influente et vraisemblablement irrévocable à tous les projets et à toutes les espérances - sinon tous les actes - des hommes qui rêvent un bouleversement.
Placé de bonne heure dans diverses maisons d'éducation de Troyes et de Paris, il en est sorti sans avoir achevé ses études et entra à l'école de cavalerie de Saumur qu'il quitta bientôt après, renonçant à la carrière militaire pour se préparer, à ce qu'il paraît, à celle du barreau ou de la magistrature. Il revint à cet effet à Paris et c'est à cette époque que se place le commencement de ses relations avec la demoiselle Cabaret, dont l'origine et la moralité équivoque lui permirent de faire pendant plusieurs années sa concubine et qui a constamment, depuis, exercé sur lui la plus déplorable influence. Cette liaison avait irrité vivement M. d'Ivory père qui fit d'infructueux efforts pour la briser et qui lorsque son fils, au lieu de céder à ses instances, songea à la régulariser, se refusa à lui accorder son consentement. D'Ivory passa alors à Jersey et le 11 mars 1837, fit dresser un acte de mariage qui fut transcrit le 12 juin suivant sur les registres de l'état civile de Mauvilly. Attaqué peu de temps après par M. d'Ivory père et annulé par le tribunal de Chatillon, le 15 janvier 1839. A peu près à la même époque, M. d'Ivory qui avait réduit à 3000 f la pension annuelle de son fils commença une instance (dont il se désista plus tard) pour lui faire nommer un conseil judiciaire. Celui-ci, de son côté, tenta de contrer son père et poursuivit, sans succès, jusqu'en appel, une demande en fixation du chiffre de sa pension alimentaire. Il tenta même de rentrer au château de sa famille; mais, celle-ci s'y étant opposée, une scène de violences eut lieu, dans laquelle le maire de Mauvilly, qu'avait appelé M. d'Ivory père, fut maltraité assez sérieusement pour que d'Ivory fut traduit devant la cour d'assises de la Côte d'Or, où il fut toutefois acquitté. La réconciliation devint dès lors à jamais impossible et d'Ivory sembla pendant quelques années disposé à mener un existence indépendante, en mettant enfin son intelligence à profit. Il devint bachelier, et fit presque complètement, à Dijon, ses études de droit. Il parait avoir quitté cette ville, il y a dix huit mois environ que pour surveiller plus aisément la liquidation de la succession de sa mère et pour se créer en même temps une influence personnelle. Jusqu'en 1848 aucun acte n'avait révélé de sa part des intentions dangereuses. La révolution de Février - qui lui donna un instant l'espérance de devenir conseiller de préfecture, mit en relief, en les développant peut-être ses opinions exaltées et les préoccupations politiques absorbèrent depuis lors toute son activité. Pendant la lutte du mois de Juin, il prit une grande part à l'agitation qui en fut, à Dijon, comme le sinistre retentissement et il s'opposa publiquement avec une grande énergie au départ des gardes nationaux pour Paris. Le nommé Mayeux qui a subi à cette époque et à cette occasion une condamnation en police correctionnelle vivait dans une complète entente avec lui et s'inspirait de ses conseils. Pendant l'été suivant, d'Ivory habite la commune de Talant, il y fit une déplorable propagande. Enfin, depuis son arrivée à Chatillon, le parti démagogique qui n'existait pas en quelque sorte, s'est constitué et développé sous son influence. Voyageant sans cesse et entretenant des relations avec tous les homme signalés comme appartenant aux idées de désordre, il était évidemment à leur tête, et son affiliations aux sociétés secrètes, bien que difficile à démontrer n'en est pas moins certaine. Il était président de la société de secours mutuels; et le journal socialiste qu'on avait récemment tenté de créer dans les arrondissements de Châtillon et de Semur devait être placé sous sa direction et reproduire ses doctrines. En dernier lieu, absent de Chatillon le 2 Xbre dernier, il y revint en toute hâte à la nouvelle des proclamations et c'est lui qui, dans la soirée, se présenta à la tête de quelques démagogues à l'hôtel de ville pour demander l'admission de ses amis et de lui au conseil municipal. Le maire lui enjoignit de préciser le sens des menaces dont il accompagnait implicitement cette ridicule proposition; d'Ivory lui répondit : je ne menaces pas moi, j'agis. Et en effet d'Ivory possède toutes les qualités de l'homme d'action. Quelles que soient ses protestations contre les moyens violents; quelle que soit l'aménité constante de sa physionomie et de son langage, on doit croire qu'il ne reculerait devant rien pour atteindre un but que se propose son ambition, ou pour satisfaire au besoin d'une complète revanche contre la société.
Isolé de sa famille par ses fautes et par son alliance avec une femme dont la bizarrerie et l'impudeur ne lui ont pas même laissé les joies du foyer, dépouillé en partie de sa fortune par l'irritation de son père et les folles dépenses; trop inaccoutumé au travail pour se créer un avenir régulier, il est arrivé à une impasse d'où il ne saurait sortir en reculant; et ceux qui l'on vu à l'oeuvre et qui ont le secret de ses passions le regardent comme engagé sans retour dans la lutte révolutionnaire. Sa mise en liberté produirait donc, sans aucun doute, de déplorables résultats, en rendant aux mauvaises passions l'un de leurs adhérents les plus influents et les plus actifs.
L'inculpé d'Yvory apprit à Aignay le 3 décembre les événements de Paris; il s'empresse de revenir à Chatillon et rencontra à milieu chemin un exprès que sa femme lui envoyait pour le chercher avec recommandation de la plus grande diligence.
Il arrive à Chatillon dans la soirée et se rendit immédiatement chez Jourd'heuil.
Vers cinq heures, il se présenta à la mairie accompagné de Jourdeuil, Lambert, Chevalier, Dufoulon et Copin, et s'adressant aux membres de la municipalité alors réunis, il déclara qu'il venait au nom du parti républicain de la ville qui n'était pas représenté dans le conseil, demander si on voulait les admettre à prendre part aux délibérations, mais pour avoir promptement des nouvelles. On refusa. D'Ivory dit alors au maire : ""Votre mandat est expiré; M. le maire vous assumez sur votre tête une grande responsabilité, vous ne pouvez pas prévoir ce qui va arriver, etc"". Un des membres du conseil dit alors : "" je crois que vous nous faites des menaces ?"" ""Non, répondit, d'Ivory, moi je ne fais pas de menaces, mais j'agis"" et ils se retirèrent.
En rentrant chez Jourdeuil, d'Ivory propose de convoquer un poste et de monter la garde. Cette proposition ayant été agréée, il fit prêter serment à tous ceux qui l'entouraient. Il fit encore d'autres propositions et celles qui furent approuvées reçurent également à plusieurs reprises la sanction d'un nouveau serment. Ces propositions, la première du moins, ne furent pas réalisées.
Le soir, il reçut dans sa demeure plusieurs personnes qui y passèrent la nuit. Cette réunion avait été annoncée vers sept heures par Mme d'Ivory qui en portait le nombre à 40 et qui aurait fait préparer 20 bouteilles de bière en recommandant à ses voisins de se mettre à l'abri du pillage.
Cette réunion, du reste, ne paraît pas avoir été aussi nombreuse. Environ douze personnes seulement paraissent en avoir fait partie.
Interrogatoire. Il refuse de répondre prétendant que la Constitution a été violée et qu'il ne reconnaît pas le pouvoir de fait actuellement établi."

Grâces et commutations de peine

Grâce accordée par le chef de l’État :
Surveillance le 07/05/1853

Sources

Liste générale : Archives nationales F/7/*/2590 Dossiers de grâce : BB/22/167/1




Réalisation de la base de données : Jean-Claude Farcy ✝ Programmation web : Rosine Fry (2013) puis Morgane Valageas (2018) Hébergement : LIR3S-UMR 7366 CNRS uB
Référence électronique : Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier - (Université de Bourgogne/CNRS), [En ligne], mis en ligne le 27 août 2013 (adresse http://tristan.u-bourgogne.fr/Inculpes/WEB/1848_Index.html) puis le 20 juillet 2018, URL : http://poursuivis-decembre-1851.fr/index.php