Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851

Notices individuelles

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Fabre - Auguste
Numéro d’ordre : 0 - Numéro de dossier :

Informations personnelles

Lieu de naissance : Millau Aveyron
Âge : 31 ans
Statut conjugal : Marié
Domicile : Rodez, Aveyron
Profession : Président du tribunal de première instance
Type d’activité : Administration
Secteur : Administration

Décisions des commissions mixtes départementales et des commissions militaires de Paris

Décision de la commission mixte Aveyron : Expulsion du territoire, 3 ans

Observations en liste générale : Entraîné par ses antécédents démagogiques, il donnait d'un côté la main à l'insurrection, tandis que de l'autre il protestait de son dévouement à la cause de l'ordre. Cette conduite qui n'était un secret pour personne a provoqué contre lui la peine de l'exil temporaire.
Motifs et observations dans l’État de la commission mixte : "Nommé Président du tribunal de Rodez par le général Cavaignac en juin 1848, sur proposition de M. Laissat, procureur général près la cour d'appel de Montpellier. Magistrat capable et d'une intégrité dans ses jugements que rien ne fait suspecter. Homme intelligent, faux, rusé, sans aucune sincérité politique. Après la Révolution de février 1848, voulant être élu représentant dans l'Aveyron, il fréquenta les clubs de Millau et y excita, par ses discours, les passions les plus dangereuses de la classe ouvrière; il est de notoriété publique qu'il disait aux ouvriers qu'assez longtemps ils avaient enrichi les maîtres par leur sueur, que l'heure de la réparation était venue et que les ouvriers devaient être maîtres à leur tour. Trois dépositions recueillies par les magistrats du tribunal de Montpellier et transmises par M. le procureur général près la cour de Montpellier constatent que pendant les vacances dernières, M. Fabre recevait, dans sa maison de campagne du département de l'Hérault, les visites assidues des nommés Laurès, dit Barbès et Gibéli avec lesquels il se plaisait à manger et à boire. Ces deux individus sont en ce moment poursuivis à Montpellier, ils appartiennent au parti le plus exalté et les témoins les représentent comme animés de l'esprit violent et dangereux de la démagogie. Deux des trois témoins dont il s'agit ont manifesté l'étonnement et l'indignation que leur causaient ces fréquentations de M. Fabre; toutefois, à l'époque des dernières vacances, et déjà depuis assez longtemps, M. Fabre semblait se retirer un peu du parti rouge à Rodez, ou du moins, il avait donné de lui cette idée à quelques personnes et notamment au Préfet avec lequel il avait de bons rapports. Le 3 décembre, le Préfet, après avoir vu le général et le capitaine de gendarmerie à qui il avait recommandé de tenir des troupes prêtes dans les casernes, fit appeler M. Fabre à la Préfecture pour lui communiquer les nouvelles arrivées de Paris et avec l'intention de l'engager dès le principe dans une bonne voie. M. Fabre se rendit à cet appel et la conversation ne fut pas telle que le rapporte M. Fabre, mais celui-ci eut une attitude convenable et il parût s'associer au désir du maintien de l'ordre; lorsque trois des membres les plus considérables du parti ultra démocratique se présentèrent pour avoir communication des nouvelles, M. Fabre dit à l'un d'eux : ""Vous savez que je suis des vôtres"" et il ajouta quelques mots qui étaient une invitation au maintien de l'ordre. Quand le cabinet du Préfet fut envahi, M. Fabre y était encore, il s'engagea dans la foule, mais loin de s'associer aux actes violents qui s'accomplissaient, il parût à quelques personnes qu'il a arrêté cette scène tumultueuse et dans un moment de grande agitation autour de lui, il repoussa violemment un individu; il dit à un avoué : ""allez avec le commandant, moi j'irai avertir le général"" et il sortit en effet au moment où le danger paraissait le plus grand. Cette sortie, M. Fabre ne l'avait pas avouée lorsqu'il déposa devant M. Le juge d'instruction, il s'était représenté au contraire comme n'ayant pas quitté la Préfecture jusqu'à l'arrivée du bataillon. Depuis son arrestation, il a reconnu qu'il était sorti, mais il a prétendu : 1° avoir invité un domestique du Préfet à aller prévenir le général 2° avoir fait tous ses efforts pour qu'un petit nombre de soldats arrivant du poste de la Préfecture puissent pénétrer jusqu'au Préfet; 3° avoir rencontré trois officiers auxquels il recommanda d'aller en toute hâte porter secours à la Préfecture, 4° être rentré à la Préfecture avant que la force armée y arriva. Toutes ces allégations sont démenties par les témoins 1° aucun domestique du Préfet n'a été invité par M. Fabre à se rendre chez le général 2° M. Fabre en voyant les quelques soldats du poste de la Préfecture dit : ""pas de bayonnettes, pas de soldats, on n'en a pas besoin"". 3° Aucun officier n'a reçu d'avis de M. Fabre. 4° personne n'a revu M. Fabre à la préfecture avant l'arrivée de la force armée. Il résulte, au contraire, d'une déposition, qu'au moment où M. Fabre prétend être revenu à la préfecture, pour la seconde fois, il arrivait tranquillement par la rue qui conduit chez lui et vint stationner sur la place de la Préfecture où il tenut des propos qu'un témoin résume de la manière suivante :""Peu de foi au succès de l'acte du deux décembre, préférence pour le parti démocratique, la Constitution à respecter présentée comme une condition"". Au moment où ces propos étaient tenus, le cabinet du Préfet était encore occupé par un grand nombre d'individus hostiles. Très peu d'instants après et lorsque le cabinet du Préfet venait d'être évacué, on vit M. Fabre entrer dans la maison de M. Bouloumié l'un des chefs démagogues qui venaient de sortir de la préfecture. M. Fabre ne parla pas de cette visite en rendant compte de l'emploi de son temps et il n'avoue qu'une autre visite faite par lui à M. Bouloumié à une heure assez avancée de l'après-midi. Vers une heure ou une heure et demie de l'après-midi, il fit à la tête du tribunal, une démarche dont le sens, en ce qui le concerne, est expliqué dans la lettre du Préfet en date du 25 janvier. Dans la soirée, M. Fabre se rendit à la Préfecture avec un grand nombre de volontaires qui venaient y prendre les armes et lui-même dont l'attitude fut très bonne alors prenant un fusil, fit une patrouille à une heure avancée de la nuit. Le 4 décembre, vers 9 heures du matin, le Général, le Préfet et le substitut remplissant les fonctions de procureur de la République, s'étant rendus, avec une partie de la garnison sur la place de Cité, M. Fabre vint les y rejoindre spontanément et restait avec eux sur la place, pendant qu'on fermait deux cafés et qu'on faisait des perquisitions dans la maison du sieur Oustry où l'on saisit quelques papiers et un étendard rouge. Deux ou trois heures après, il était sur la place de Cité, devant le café Vinau où il s'efforçait de préparer l'organisation d'une tournée qui, d'accord avec le conseil municipal, devait suivant lui, mieux assurer le maintien de l'ordre. Un témoin le voit en ce moment au milieu d'un groupe composé de rouges avec lesquels il paraissait en bonne intelligence. Un autre témoin le voit dans un autre groupe où se trouvaient des hommes appartenant à l'opinion la plus avancée et il entend M. Fabre leur dire : ""Il faut nous rendre à la Mairie pour nommer une commission"". Poursuivant toujours son but, il persuade à quelques personnes, animées des meilleures intentions et notamment au Maire, qu'il pourrait être utile d'adjoindre au conseil municipal quelques personnes étrangères à ce conseil et il vient avec eux en faire la proposition au Préfet dans des termes qui dénotent déjà son intention secrète, bien différente de l'intention de ceux qui en ce moment l'accompagnaient. L'intention de M. Fabre est clairement expliquée par les faits postérieurs. En quittant le Préfet, il rencontra trois personnes que leur opinion en démocratie séparait de l'autorité gouvernementale, et sur l'avis qui paraît leur avoir été donné par une d'entre elles, il se rend avec le sieur Léon Boyer dans la maison où se tenaient au faubourg, les chefs démagogues et il a avec eux une conférence dont il n'est pas possible de connaître tous les caractères, mais dans laquelle on sait par le sieur Léon Boyer lui-même qu'il parla de la création d'une commission et leur annonça qu'il croyait pouvoir faire accepter, par l'autorité, deux d'entre eux comme membres de cette commission qui s'adjoindraient à la Préfecture ou à la Mairie et qui aurait pour but de représenter tous les partis, d'assister à l'ouverture des dépêches et qui, en donnant ainsi satisfaction à tout le monde, pourrait empêcher que la tranquillité ne fut troublée. M. Fabre ne reçut pas un mauvais accueil. Pendant que M. Fabre était dans la maison Anglade, des individus sortant de cette maison vinrent dire dans un cabaret situé en face que M. Fabre avait promis de faire rendre l'étendard rouge et que le lendemain on le promènerait à dix heures dans les rues de la ville. L'interrogatoire du sieur Caussanel de Sauveterre sert encore à faire connaître dans quel esprit et dans quel intérêt M. Fabre fomentait sa création d'une commission. Cet inculpé rapporte qu'étant venu voir les chefs démagogues à une heure avancée de l'après midi, vers quatre ou cinq heures, ceux-ci lui annoncèrent qu'ils étaient en pourparlers avec le conseil municipal pour la création d'une commission mixte qui pourrait amener une conciliation. Vers cinq heures du soir, M. Fabre se rendit au sein du conseil municipal pour y présenter sa proposition. Le discours qu'il prétend y avoir tenu est complètement démenti par tous ceux qui ont été interrogés à ce sujet. Un des membres du Conseil municipal a, pendant la séance, entendu dire derrière lui les mots suivants : ""Nous ne reconnaissons plus l'autorité préfectorale, tout le pouvoir doit résider dans la commune"". Il a attribué ce propos à M. Fabre et il croit que c'est lui, en effet, qui l'a tenu, bien qu'il ne vit pas la personne qui l'a proféré et qui était derrière lui. Le conseil ayant délibéré et ayant consenti à s'adjoindre quelques personnes au nombre desquelles se trouvait M. Fabre, celui-ci, qui avait quitté la mairie, y rentrant un peu plus tard, fit connaître au conseil que l'une des personnes désignées n'avait pas accepté par le motif que les adjonctions n'étaient pas assez nombreuses et il insista lui-même pour obtenir un plus grand nombre d'adjonctions, ce que refusa le conseil municipal comprenant qu'on voulait l'absorber. M. Fabre se retira alors en disant au conseil municipal qu'il lui laissait la responsabilité de ses actes et toutefois, il ajouta qu'il serait toujours à sa disposition quand il jugerait utile de l'appeler. Après la délibération du conseil municipal admettant l'adjonction de quatre personnes étrangères quelqu'un avait dit à M. Fabre : ""eh bien toutes les nuances seront représentées, vous par exemple, vous représentez la nuance Républicaine, comment, reprit M. Fabre, pourriez-vous connaître mon opinion, je ne la connais pas moi-même"". Dans la même journée, vers 3 heures et demie ou 4 heures, la conversation suivante fut tenue sur la place de Cité entre M. Fabre et M. Garrigues, médecin à Marcillac, chef de la première bande armée qui se soit approchée de Rodez. Garrigues disait qu'il était arrivé avec 100 ou 120 hommes de Marcillac ou de la ligne, qu'en arrivant à Rodez il leur avait donné la consigne la plus sévère, mais qu'on s'en était emparé et qu'il ne savait plus ce qu'ils étaient devenus. M. Fabre prit alors la parole et dit en s'adressant à Garrigues : ""Vous avez très bien fait, j'aurais fait comme vous, puis il ajouta : je ne m'en suis pas caché avec ces Messieurs, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour assurer la formation d'une commission mixte afin d'éviter l'effusion de sang, car il n'y a en ce moment de pouvoir légal que celui de l'Assemblée et si, en ma qualité de Président, je recevais des réquisitions de l'Assemblée, je ne balancerais pas à les mettre à exécution."" Le témoins qui rapporte ces propos en avait déjà parlé à plusieurs personnes avant de faire des dépositions en justice. La commission a voulu l'entendre à cause des bruits qui ont été répandus contre lui par les amis de M. Fabre à cause de certaines variations dans le récit de ce témoin lui-même. La Commission l'a longuement interrogé, elle reconnaît comme parfaitement sûre et vraie à ses yeux les paroles qui viennent d'être citées plus haut. Au moment où M. Fabre avait avec Garrigues cette conversation, un attroupement considérable composé en partie de gens de Marcillac arriva sur la place de Cité. Garrigues quitta aussitôt M. Fabre et courut au devant des soldats qui se présentaient pour dissiper cet attroupement. Il embrassa plusieurs soldats en leur disant : allez doucement, vive le 13e Léger et ensuite il se répandit dans la foule en excitant les hommes de l'attroupement par ces mots : ""Courage mes amis"" et en même temps il criait : ""Vive la République ! Vive la Constitution !"" M. Fabre prétend que pendant sa conversation avec Garrigues, M. Léon Boyer, beau-frère de Garrigues, était en tiers. M. Léon Boyer nie ce fait et M. Vadier déclarait que M. Boyer n'était point la 3e personne avec M. Fabre et M. Garrigues lorsqu'il les approcha. M. Fabre était le 5 décembre, entre 10 et 11 heures du matin dans un café où on l'entendit dire à haute voix : ""Les Représentants qui n'ont pas été arrêtés n'ont pas fait leur devoir, c'est de leur part une infâmie de ne pas avoir défendu la Constitution jusqu'au bout, en demandant l'adhésion des fonctionnaires publics, cette adhésion ne saurait être donnée à un gouvernement qui se base seulement sur la force, qui viole la Constitution et les lois, pour moi, homme de loi, je ne puis accorder mon concours à un gouvernement semblable"". Ces paroles étaient dites au milieu d'un café, dans le moment où une grande agitation régnait dans la ville et lorsque M. Fabre lui-même était allé quelques instants auparavant dire au Préfet qu'il croyait la lutte inévitable. Deux ou trois heures plus tard, la plupart des membres de la commission dite constitutionnelle furent arrêtés, les bandes de Sauveterre s'éloignèrent précipitamment et alors M. Fabre revint avec beaucoup d'empressement à la Préfecture où il était devenu impossible au Préfet, depuis le 4 décembre, de ne pas le recevoir avec une grande froideur. Au milieu des contradictions tout au moins apparentes que présente la conduite de M. Fabre, d'après la procédure elle-même, au milieu des explications, habiles sans doute, mais dénuées toujours de sincérité qu'il donne dans ses défenses, la Commission, après avoir apprécié avec le plus grand soin les faits résultants de l'information, a reconnu que M. Fabre personnellement dangereux par ses tendances d'esprit et la fausseté de son caractère, a été un péril pour le parti de l'ordre qu'il a réellement trompé en paraissant le servir un moment et qu'il a donné aux insurgés des encouragements et une force morale que sa position élevée de magistrat rendait d'autant plus funestes et d'autant plus coupables. (État des décisions de la Commission départementale de l'Aveyron…, SHD, 7 J 68)"

Grâces et commutations de peine

Sources

Liste générale : Archives nationales F/7/*/2590 Dossiers de grâce : BB/30/464
Remarques de l’auteur de la base de données :
Absence de numéro d'ordre et de numéro de dossier dans la Liste générale par ordre alphabétique des individus poursuivis en France à l'occasion de l'insurrection de décembre 1851.




Réalisation de la base de données : Jean-Claude Farcy ✝ Programmation web : Rosine Fry (2013) puis Morgane Valageas (2018) Hébergement : LIR3S-UMR 7366 CNRS uB
Référence électronique : Jean-Claude Farcy, Rosine Fry, Poursuivis à la suite du coup d’État de décembre 1851, Centre Georges Chevrier - (Université de Bourgogne/CNRS), [En ligne], mis en ligne le 27 août 2013 (adresse http://tristan.u-bourgogne.fr/Inculpes/WEB/1848_Index.html) puis le 20 juillet 2018, URL : http://poursuivis-decembre-1851.fr/index.php